Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/300

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naires qui envoyent ça à Paris, et on dit que ça va jusqu’en Angleterre. Du reste je vous dis ça, vous le savez mieux que moi. J’sais pas pourquoi que j’vous dis tout ça, vous d’vez voir tout ça, vous aut’es, à Paris. Ils ont été noyés d’eau. On n’avait jamais vu ça. Et pourtant j’commence à (n’) pas être jeune. Il n’y a pas de fruits. Les bêtes mangent tout ; tout le peu qui reste ; les limaces ; les vers. Toutes sortes de bêtes. Il y a pas d’danger qu’i se noyent, eux. La vermine, ça se retrouve toujours, ça se reconnaît toujours, ça fait toujours son affaire, ça retrouve toujours son compte. Il a beau tomber de l’eau. Il y a pas d’danger qu’i se noyent, eux. Ah si c’était utile, ça n’réussirait pas comme ça. Mais il n’y a de prospérité que pour la vermine. Vous pensez avec toute c’t’eau qu’il y a tombé. Il y a pas eu de légumes, tout a coulé. Il y a pas eu de fruits, tout a coulé, tout est dévoré. Il y a même pas de salade. Il y a pas de raisins. Toute la force de la vigne a tourné en vrilles. Et en vert. Et encore. Tout ça c’est sec, tout ça c’est pourri. Et puis il y a partout la maladie. Ils vous disent de mettre du soufre. On en mettrait ben autant comme autant. Il en faudrait pus que le bon Dieu pourrait en bénir. Et pis des ingrédients, des saletés, de la chimie, des cochonneries, des poisons. Des sulfates. Ça coûte encore cher, c’t’affaire-là. On peut pas dire que ça empoisonne la vigne, mais ça n’empoisonne pas non plus la maladie. Vous comprenez, il tombe trop d’eau. Pour sûr il y aura encore rien c’t’année.


Après quoi ils vous invitent à venir faire la vendange.