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Beaucoup d’engrais vert.

Ils savent trop combien l’ironie est contraire à leur génie, au génie français. Ils vous parlent très sérieusement. Il n’y a rien cette année. Ils pensent continûment, du même mouvement ils pensent à la vendange de l’année prochaine. On ne sait pas. Ça sera peut-être bien meilleur. Ce n’est pas eux qui parleraient, qui penseraient d’abandonner les vignes. Leurs vignes. Ils pensent qu’il y aura une année prochaine, des années prochaines innombrables, que peut-être le sort se lassera (le même qui vous disait, qui vous dit en même temps : J’suis ben vieux à présent. J’suis pus guère bon à rien. J’la ferai pus guère à présent la vendange.) Voilà cinquante ans que je les vois attendre l’année prochaine, qui sera peut-être ben meilleure. Je les ai vus traverser ainsi, silencieux, tenaces, invincibles, cette énorme vague de désastre du phylloxéra, que nul autre peuple n’eût porté.

Que nul autre peuple n’eût passée.



Il n’y aura pas de raisin. Ils vous invitent à venir faire la vendange. Ils parlent très sérieusement. C’est là que l’on voit ce que c’est qu’un rite, chers sociologues.