Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/315

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vous le demande, faites-y bien attention. Puisque je suis eux, faites-moi au moins la grâce que vous leur faites. Quand vous adressez ainsi la parole à un garçon de ferme, à quelque varlet de ferme, quand vous entrez en propos avec lui, il ne vous vient point à l’idée qu’il peut vous offenser, mais connaissant ce fin peuple, et sachant que c’est lui qui parle français, qu’il est la fine fleur du langage français, vous êtes résolu à prendre tous ses propos comme des propos d’amitié, d’hospitalité, de cordialité, comme des propos cordiaux, comme des propos peuples. Sans un soupçon de cette odieuse, de cette basse, de cette grossière, de cette vulgaire, de cette populacière jovialité, que je hais. Souvent cordial, toujours cordial, jamais jovial, tel est ce fin peuple. Il ne vous vient pas à la pensée qu’il vous offense. Vous savez même très bien qu’il ne peut pas vous offenser. Et alors vous ne lui dites pas : Pardon, je suis monsieur Halévy. Je suis ce même peuple, Halévy, je suis ce même garçon de ferme, appuyé sur la même charrue, dessus cette même plaine de Beauce. Je ne vous dis donc pas même : Faites-moi l’amitié. Je vous dis : Faites-moi aussi la grâce ; faites-moi l’égalité, faites-moi l’équité ; traitez-moi comme eux ; puisque en somme vous êtes venu me voir ; faites-moi la justice de croire non seulement que je ne vous offense pas, mais que je ne peux pas vous offenser. Faites-moi l’égal traitement de me traiter comme eux. Puisqu’en somme vous êtes venu chez moi.


Mieux encore, et plus, faites-y bien attention, Halévy,