Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/316

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prenez-y garde. Je suis, j’étais la seule maison de paysan qui vous fût ouverte comme à un frère, et non pas seulement comme à un hôte. Plus outre, j’étais, absolument parlant, la seule maison de paysan qui vous fût ouverte. Voulez-vous, de vos propres mains, vous la fermer. J’étais la seule maison de paysan qui vous accueillît au fond comme un autre paysan. Sans aucune interférence de respect ni d’hospitalité, sans l’ombre d’une interférence. Je ne parle plus de l’amitié, à défaut de l’amitié j’étais ainsi pour vous la plus précieuse référence, une référence unique. Cette cordialité amère que nous avions, cœur à cœur, si profondément triste, si profondément nourrie de tristesse, c’était la seule fréquentation paysanne que vous ayiez. Vous exposez-vous à perdre, allez-vous perdre au moins cette référence unique.



Cette confidence sombre que nous avions. Ce propos de l’immense, de l’universelle conspiration des grandes personnes. Si parfaitement secrète, si parfaitement gardée. Ayant parcouru ensemble une si longue route, si sombre, allons-nous à présent nous séparer. Allons-nous désormais nous séparer. Allons-nous donc, allons-nous nous séparer. Pour la longue route qui nous reste, si sombre, allons-nous, nos voies vont-elles pour éternellement se séparer. Nous étions l’un à l’autre de précieuses, peut-être d’uniques références. Tout ce que nous avions de différence, d’écart entre nous donnait