Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/341

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tique romantique a bouché l’œil et la nervure. Et il faut dire que tout le poème, toute la pièce est comme une gageure. C’est déjà un défi, et c’est risquer gros, c’est jouer gros jeu, pour un moderne, que de se mettre, d’aller se mettre du Du Bellay en épigraphe, et un tel Du Bellay. Un texte comme celui-là, du haut de son petit coin d’épigraphe, met tout par terre. Il met notamment naturellement fort proprement par terre sa ballade quatrième, qui est une des mauvaises. Qui est même si mauvaise que cette espèce de protection qu’il fait à cette vieille chanson en se l’épinglant comme épigraphe, en l’adoptant, pour la rendre immortelle sans doute, pour la faire passer à la postérité, cette agrégation, ce rattachement qu’il s’en fait, cette adoption, (vous suivez le mouvement : la ballade quatrième ira sûrement à la postérité, plutôt deux fois qu’une, puisque c’est du Hugo. Alors lui, bon prince, généreux, (il est jeune), en plus il sauvera cette vieille chanson, qu’il aime, il nous la gardera pour la mémoire des hommes, il va l’honorer, il attachera cette petite chaloupe sur son énorme bateau), que ça finit par faire, que ça finit par donner une des comédies les plus réjouissantes que l’on nous ait jamais montées. Les plus récents travaux de nos historiens ont mis à jour ce singulier contrat, cette sorte de bail plus que viager, cette sorte de bail éternel par lequel Victor Hugo s’était assuré la propriété exclusive, l’usage et l’emploi du mot ombre au singulier et au pluriel, surtout à la rime. Ces rimes en ombre(s) lui ont quelquefois donné de beaux effets :

Près des meules, qu’on eût prises pour des décombres,
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres ;