Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/356

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l’intercession de ceux qui sont partis pour ceux qui restent. Ainsi cet héroïsme éternel est éternellement de provenance temporelle, cet héroïsme de sainteté est éternellement de provenance, de production charnelle. C’est ce qui en fait le prix, infini. C’est le mystère même de l’incarnation. C’est ce qui en fait aussi l’exactitude. Non seulement c’est ce qui le fait humain, mais c’est ce qui le fait, exactement, chrétien. Cette insertion, cette articulation de l’éternel dans le temporel, du spirituel dans le charnel, du saint dans le héros. Autrement non seulement il n’y a plus d’homme, mais exactement, techniquement pour ainsi dire il n’y a plus de chrétien. Plus de saint. Cette articulation, cette insertion fait la pièce capitale du christianisme, de la sainteté. Tout autre agencement n’est, ne donne qu’une construction littéraire, ou ce qui revient sensiblement au même une construction intellectuelle. Il faut qu’une sainteté vienne de la terre, monte de la terre. Il faut que la sainteté s’arrache de la terre, qu’elle s’en arrache laborieusement, douloureusement, saintement. Il faut qu’elle s’en arrache avec tous ses racinements. Autrement non seulement elle n’est pas humaine, mais elle n’est pas chrétienne. Il ne faut pas qu’elle en soit préalablement, arbitrairement, intellectuellement déracinée, déplantée. Alors on n’a plus que des miracles de pacotille. Si je puis dire la sanctification n’est pas une assomption ; elle est beaucoup plutôt en un certain sens une imitation de l’Ascension. Les vers de l’intercession sont partout dans Polyeucte :

Et toi qui, tout sortant encor de la victoire,
Regardes mes travaux du séjour de la gloire,