Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/397

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guait nettement la ligne antique, le seuil sacré, car c’est la même ligne. C’est le même seuil. Clytemnestre vient d’y poser le tapis de l’Odéon. Et les pieds d’Agamemnon ne toucheront point le seuil. Soyez persuadé que sénateur quand il assistait aux séances du Sénat il le voyait ce qu’il était, ce qu’était cette assemblée : le conseil des vieillards : Créon vient de le convoquer. Et il y a eu sur la cité un grand malheur : la Guerre, la Commune. Suivons ce saisissement qui nous prend à toute lecture de Booz, à toute récitation, qui est toute une lecture première, qui est toute une récitation première. Suivons cette prise. Instantanée. Laissons-nous prendre à cette prise. Ecoutons, suivons cet avertissement qui ne trompe pas, ce saisissement qui ne trompe jamais. Il y avait eu, et c’était déjà une grande merveille, une de nos plus grandes merveilles françaises, il y avait eu plusieurs très grands poèmes bibliques, littéralement bibliques, très réellement bibliques, de la toute première grandeur biblique effectués, conduits jusqu’au plein accomplissement de la grandeur biblique non point par des Juifs mais par des Chrétiens, enfin par des Français. Et non pas seulement Moïse. Et non pas seulement Samson. Et non pas seulement Dalila. Vigny, Lamartine. Je ne parle pas de Leconte de Lisle, constamment écrasé sous son archéologie, constamment perdu, constamment serré, constamment traqué dans son archéologie. Mais par le ministère de Hugo, en ce jour unique, en ce poème plus que poème, puisqu’il y a plus que poème, nous avons ce miracle (au moins temporel) unique, ce double miracle unique : Premièrement, au premier degré, trente et quarante siècles après Homère et les origines d’Homère un des plus grands