Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/414

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pays-ci même. Ils sont nourris de ce pays-ci. De ces paysages. De ces horizons. C’est ce pays-ci qu’il traversait à pied quand il allait voir madame Drouet. Elle demeurait ici ou à vingt lieues près dans tel pays, dans tel château, dans telle maison. Car je sais plus de vers et vous savez plus d’histoire. Et ainsi nous jouons l’aveugle et le paralytique. Nous remarquions en effet que le poème précédent, (dans les mêmes Feuilles d’automne ; on ne remarque pas assez ce titre, les Feuilles d’automne ; c’est à vingt-sept ans qu’il faisait tomber ses Feuilles d’automne, celui-là, à vingt-six ans. Il a toujours su s’y prendre. Il a toujours été précoce. Il a toujours été le roi des malins.) à mademoiselle Louise B., était intitulé Bièvre. Il n’est pas très réussi. Il n’est même pas réussi du tout. C’est une excitation à blanc de littérature, à faux, un fatras, un fouillis, un amoncellement de littérature. Une excitation à froid. D’abord ça commence par les rimes en ombre, ce qui est toujours mauvais signe dans Hugo. Nous remarquions là dessus que Hugo réussit généralement beaucoup moins quand il décrit pour décrire, ou enfin quand il veut décrire, surtout un paysage, que quand il décrit sans le faire exprès, et peut-être sans s’en apercevoir, en un certain sens, autant qu’un homme comme Hugo peut ne pas s’en apercevoir. Et qu’il n’est peut-être pas le seul. Je veux dire qu’il décrit beaucoup mieux, ou enfin qu’il décrit bien, si c’est décrire, quand sans y penser, sans se diriger pour ainsi dire vers la description, vers le paysage il situe dans un pays, involontairement, presque, peut-être inconsciemment, parce qu’il le faut bien, un sentiment qui alors paraît fixer toute son attention. (Entre mille exemples la Tristesse d’Olympio).