Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/413

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le blé, devant, sous un ciel de nuages qui vous récitera les grands vers de la pluie et du beau temps ; du temps qu’il fait et du temps qui passe ; du temps temporel et du temps climatérique ; das Wetter et die Zeit ; — tempus, tempestas atque temperies :

Le soleil s’est couché ce soir dans les nuées ;
Demain viendra l’orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l’aube, et ses clartés de vapeurs obstruées,
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s’enfuit !

Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d’argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.

Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S’iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu’il donne aux mers.

Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m’en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde immense et radieux !


Avril 1829. Il avait 27 ans. Il n’était pas tout à fait près de s’en aller au milieu de la fête. Il passait, mais il passait lentement. Il ne se refroidissait heureusement que graduellement sous ce soleil joyeux. Vous me disiez : Ces vers, ces poèmes sont précisément les poèmes de ce pays-ci, de cette Ile de France. Ils ont été faits pour ce