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même), une certaine libéralité du cœur et une certaine avarice de cœur.

§24. — Corneille est plein de toute libéralité. Il y a constamment dans Racine une avarice perpétuellement intelligente.

§25. — Corneille est gonflé d’un perpétuel pardon. Ils se pardonnent d’avance, par nature, tout ce qu’ils se feront. Dans Racine c’est diamétralement le contraire. Ils ne se pardonnent pas même ce qu’ils ne se sont pas fait.


§26. — Quand nous ferons notre Polyeucte, (vous n’avez jamais douté que nous le ferons), ce sera peut-être le temps non point d’essayer de donner une idée de la grandeur de Corneille, mais de se proposer d’entrer un peu dans le détail de l’organisation de cette grandeur.

§27. — Par son impotence même de mal, de cruauté Corneille va plus profond que Racine. Car la cruauté n’est point, tant s’en faut, ce qu’il y a de plus profond. Elle n’est point le profond du cœur, elle n’est point le profond de l’homme. Il y entre souvent beaucoup de vanité. La charité va infiniment plus profond. Elle est si je puis dire un vice pire, infiniment pire, (une inhumanité, surhumanité, sous-humanité infiniment pire). Plus mordante, infiniment plus profond, plus dominante, plus attachée, à sa proie. Les saints et les martyrs