Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/453

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§53. — Toutes les tragédies de Racine se couronnent chacune elle-même. Ce sont des reines séparées. Des sœurs jalouses ? les sœurs de Cendrillon ? Ignorant la grâce, il ignore, elles ignorent totalement la communion. Au contraire les trois tragédies de Corneille d’un seul et même et triple geste comme des cariatides se couronnent en Polyeucte.

§54. — Sur le même modèle, sur le même plan, artificieusement, laborieusement varié, il eût fait une tragédie par an, toute sa vie, un chef d’œuvre par an. Comme un condamné. Rien n’est triste à cet égard et rien n’est un enseignement, rien n’est désolé, rien ne sent la condamnation, l’habitude, la résignation au travail, l’habitude du travail comme ce plan en prose que nous avons de sa main du premier acte d'Iphigénie en Tauride. Aussi il arrêta.

§55. — Il eût fait une tragédie aussi bien qu’une autre, un chef d’œuvre aussi bien qu’un autre.

§56. Toute la vie. Vingt chefs d’œuvre sans nouveauté, sans institution ; comme depuis Andromaque, une fois Andromaque donnée, il en avait fait cinq, six, il allait en faire sept sans nouveauté, sans institution nouvelle.

Rien ne donne une impression d’arbitraire, de gratuit, comme ce plan en prose d'Iphigénie en Tauride ; une impression pénible ; un devoir ; une tâche. Iphigénie fait ceci ; le prince fait ceci ; la confidente fait ceci ; le peuple fait ceci ; Iphigénie dit ceci ; le peuple fait ceci. Ils sont tous les uns au bout des autres. Il n’éprouva pas le besoin d’aller plus loin. Il n’avait pas une santé