Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/458

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(dé)limité, parfaitement dessiné, au contour ferme et net, sans un soupçon de fausse ombre, sans un soupçon de l’emploi de l’estompe, tout en hachures, un texte de toute première grandeur, parfaitement classique, et qui pourtant on ne sait comment sans aucune dégradation baigne dans un bain de dépassement de sa propre grandeur, dans on ne sait quelle expansion, quel débordement infini, en est tout pénétré, tout infiltré dans son tissu même, sans cependant y perdre la tenue d’un seul grain, sans s’y dissoudre d’un seul de ses grains, c’est un sort, pour parler comme lui, qui n’a peut-être été donné qu’à lui. Car il ne faut même pas dire que c’est un sort qui n’a été donné qu’à de très rares œuvres ; et à de très rares hommes, à de très rares poètes. C’est un sort qui sans doute n’a été donné qu’à lui, qui fait de Polyeucte une œuvre unique. Les autres penchent d’un côté ou de l’autre. Ou bien les agrandissements et les obscurs de l’extratexte avancent sur la pureté, sur la dureté du texte, gagnent, estompent, mordent, lui rongent quelque grain. Et ce sont, comme dirait Hugo, des conquêtes de la nuit. Ou bien la dureté du texte arrête, interdit, au moins sur quelque point, les agrandissement de l’extratexte. Ou bien le romantique (en quelque temps que ce soit), (qui est de tous les temps) envahit le classique, ou bien le classique est un peu pauvre. Ce qui fait, entre vingt causes, de Polyeucte une réussite unique, l’œuvre entre toutes éminente, c’est ce parfait équilibre. La netteté en est parfaite, et la grandeur, l’agrandissement n’en est pas moins infini. La grandeur du texte est parfaite et totale et la grandeur de l’extratexte n’en reçoit pourtant aucune limitation. Par le dedans. Aucun empêchement.