Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/468

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trahit une inquiétude de la nouveauté même, pour la différenciation.

C’est ce goût, ce besoin de nouveauté pour la différenciation, pour le renouvellement qui dans la stérilité d’un Voltaire lui fera faire les plus grands voyages, lui fera commettre les extrêmes divagations géographiques et chronographiques, l’emmènera en Chine, dans on ne sait quelle Perse et Babylonie, plus ou moins de convention, plutôt plus que moins, et toujours chez les Turcs. Dans tout cet Orient du dix-huitième siècle français. Dans cette pâteuse Musulmanie. Dans cette persistante Turquerie. Le goût du Turc est toujours très mauvais signe pour le classique français. Il n’est bon que dans Molière. Et le commencement du voyage (tragique) est tout de même dans Bajazet.

§81. — Quand donc lui-même il arrêta l’entreprise, ce n’était jamais qu’une série qu’il arrêtait. Ce n’était point une œuvre, organique, un être, d’ensemble, qu’il décapitait ou qu’il découronnait, une œuvre qu’il incapitait ou qu’il incouronnait. C’étaient des chaînons qui manqueraient à une chaîne, non point, nullement une tête qui manquerait à un corps, une couronne à une tête. Le premier chaînon avait été Andromaque. Il était, il donnait déjà tous les autres. Le dernier chaînon serait celui-ci plutôt que celui-là ; et celui-ci ou celui-là de la fin, qui auraient pu être, qui pouvaient être, ne seraient pas, ne seraient jamais. Qu’importe, il n’y aurait jamais qu’une chaîne rompue. Et des chaînons de moins. Toute la valeur de l’œuvre est déjà, est incluse dans chacun des chaînons, était dans le premier, le ton, le goût, la résonance, le propre de l’œuvre.