Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/469

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Ce que vaut ensuite ce chaînon, ce qu’il est, de quel ton, de quel métal, de quelle valeur propre, de quel goût, de quelle résonance, de quel ordre de grandeur, c’est ce que je répète que nous ne pouvons pas examiner ici. Tout ce que nous y avons pu dire, et en bref, en préliminaire, c’est que tout est déjà dans chaque chaînon ; que toute l’œuvre est dans chaque chaînon ; que les œuvres complètes sont une chaîne de ces chaînons.

§82. — Chacune de ces tragédies est un être à part soi ; et l’ensemble de l’œuvre n’est point un être d’ensemble, un être supérieur. C’est un corps d’annelé, plus annelé même qu’un corps d’annelé, c’est un corps sans chef et sans couronne.

§83. — Qu’importe au contraire pour Corneille les œuvres de toutes sortes de la deuxième moitié de sa carrière. (Où il y a encore tant et tant de beautés, partout, sans compter Nicomède et cette unique Psyché). (Et cette admirable Tite et Bérénice dont il faudra bien reviser quelque jour le procès). (Et tant d’autres). Mais pour aujourd’hui ne parlons pas de ces beautés. Une première carrière, la grande, la plus grande de toutes les carrières tragiques, la plus grande de toutes les carrières dramatiques, la plus grande assurément de toutes les carrières poétiques mêmes venait de s’achever, de se couronner en Polyeucte. Quatre ans, cinq ans avaient suffi pour fonder le plus grand royaume, le plus grand empire de tragique et du poème qu’il y ait jamais eu. Cinq ans avaient suffi pour fonder cet empire. Ce n’est plus ici un rythme annuel, une production annuelle. Il ne faisait point régulièrement (alors) sa