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Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/498

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vous aura paru identique, c’est par un jour pareil que vous vous réveillerez dans les jambes de quelque cinquante/quatre-vingt-dix et que vous serez bu par quelque Michelin. Et ce qu’il y a de plus fort c’est que le chauffeur vous démontrera clair comme le jour qu’il allait son chemin et que c’est vous qui vous êtes mis si je puis dire dans ses moyeux. Gratuitement. Et ce qu’il y a de plus fort c’est qu’il aura raison. C’est que ce sera vrai. Qu’y avait-il donc ce jour-là qu’il n’y avait pas eu les autres jours. Ainsi, haud secus ac, totalement ainsi, non autrement du péché. Un matin comme tous les matins vous partez de chez vous. Du même pied. La journée sera donc comme toutes les journées. Dure et pure. Mauvaise, mais pure. Un matin comme tous les matins vous partez de votre (pure) maison. Un matin comme tous les matins vous partez innocent. Le cœur pur. Et quand vous rentrez le soir dans votre maison. Inconscient, innocent vous vous ramassez le soir, dans la journée vous vous ramassez ayant offensé, ayant blessé, ayant altéré une amitié qui vous était chère, une amitié ancienne. Une amitié entre toutes. Vous vous ramassez, vous vous recevez par terre. Vous avez fait une cassure. Une fêlure dans le cristal. Une lézarde, une crevasse, dans le mur. Une fissure dans la pierre et dans le ciment. L’homme baigne dans l’accident et dans le péché. Qu’y avait-il ce jour qu’il n’y avait pas eu les autres jours. Et ce qu’il y a de plus fort c’est que votre ami vous ferait voir, qu’il vous (dé)montrerait clair comme le jour, (mais il ne le fera point, puisqu’il est votre ami), (c’est surtout ce jour-là qu’il s’en gardera, de le faire, puisque vous êtes malheureux, puisque vous avez tort, et de rien ajouter ; de rien faire qui puisse