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les compétiteurs, les électeurs, la réélection, les compétitions, les affaires, la vie. Ils aiment mieux nous laisser tranquilles. Et puis nous sommes si petits (en volume, en masse) pour eux. En masse politique et sociale. Ils ne nous aperçoivent même pas. Nous n’existons pas pour eux. Ne nous gonflons pas jusqu’à croire que nous existons pour eux, qu’ils nous voient. Ils nous méprisent trop pour nous haïr, pour nous en vouloir de nous être infidèles, je veux dire de ce qu’ils nous sont infidèles, à nous et à notre mystique, leur mystique, la mystique qui nous est commune, censément, réellement commune, (à nous parce que nous nous en nourrissons et qu’inséparablement nous vivons pour elle, à eux parce qu’ils en profitent et qu’ils la parasitent), pour même nous (en) tenir rigueur. Quand nous sollicitons, à notre tour de bêtes, ils mettent même souvent une sorte de dilection, secrète, un certain point d’honneur, d’un certain honneur, une coquetterie à nous rendre service. Ils ont l’air de dire : Vous voyez bien. Nous faisons ce métier-là. Nous savons très bien ce qu’il vaut. Il faut bien gagner sa vie. Il faut bien faire une carrière. Au moins rendez-nous cette justice que quand il le faut, quand on le peut, quand l’occasion s’en présente, nous sommes encore compétents, nous sommes encore capables de nous intéresser aux grands intérêts spirituels, de les défendre.

Ils ont raison. Et il faut que nous leur fassions cette justice. C’est une espèce de coquetterie qu’ils ont, fort louable, une dilection, (un remords), une sorte de garantie intérieure qu’ils prennent, un regret qui leur vient, comme une réponse qu’ils font à un avertisse-