Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans mon enfance, quand j’étais une petite fille. Comme toi. Comme tu es. Ils croient qu’ils ont tout dit quand ils ont dit : Elle est partie au couvent. On ne parle jamais assez. Et on ne parle jamais assez tôt. On n’en dit jamais assez à ses amis. Ni assez tôt. À plus forte raison à ses confidents. J’aime mieux t’offenser, et te servir ; devant Dieu ; que de ne point t’offenser, et de te trahir. Je dois t’offenser, s’il faut. Pardonne-moi les paroles que je vais t’oser dire ; après, je m’en irai, si tu le veux, sans te voir plus jamais.

Un silence bref.

Je sais aussi ta souffrance nouvelle ; je sais la souffrance qui te paraît effroyable au delà de toute souffrance, effrayante au delà de toute imagination même ; pourquoi tu m’as mandée ; pourquoi je suis venue.

Un silence bref.

Se mépriser soi-même, on se mépriserait encore soi-même, on s’y ferait, on s’y habituerait ; il est, il y a des habitudes pires : Tu as connu que tous ceux-là sont lâches, que tu avais aimés, … que tu as aimés…

Un mouvement de Jeannette.

Que tu aimes, que tu aimes, que tu aimes, ma fille, ma pauvre enfant.

Ce mouvement de révolte tombe.

Tu as raison, ma fille, ma pauvre enfant.