Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/101

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Mon enfant, mon enfant, on aime toujours. Mais d’aimer ceux que l’on méprise, c’est un grand bien. Mais de mépriser ceux que l’on aime, c’est la plus grande souffrance qu’il y ait.

Ceux que l’on voudrait honorer, que l’on doit honorer, que l’on veut honorer. Que l’on honore. Quand même.

C’est la plus grande bassesse et la plus grande indignité.

Tu as connu que tous ceux-là sont lâches, que tu avais aimés ; tu as connu que ton père est lâche ; que ta mère est lâche ;

Jeannette baisse la tête.

Ton père, ce grand fort homme qui ne craint rien, fors Dieu, qui est un si bon chrétien ; ta mère, qui est une si bonne chrétienne, qui a fait les pèlerinages ; et tes frères, et ta grande sœur, et tes amies :

Dans une évocation :

Moi aussi j’ai eu des amies.
Moi aussi j’avais des amies.

Repartant.

Mengette, que j’ai vue ce matin ; Hauviette, qui ne veut pas me voir ;

Secouant la tête sur un geste de Jeannette.

Je sais, je sais. Sec, et en même temps très tristement. Non, elle ne veut pas. Tu as connu qu’ils sont lâches tous, et complices du Mal universel ; complices, auteurs du Péché ; complices, auteurs de cette universelle perdi-