Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/238

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pour changer, c’est pour détourner la conversation. C’est pour donner le change. Il y a eu des coqs depuis. Il y a des coqs dans nos pays. Et ils ne sont pas inoccupés. Nous ne les laissons pas inoccupés. On dirait qu’il n’y a pas de coqs dans nos pays. On ne parle jamais des coqs de nos pays. Hélas hélas il n’y a pas un coq dans pas une ferme qui n’ait chanté, qui n’ait sonné, qui n’ait annoncé au soleil levant, qui n’ait enregistré, chaque jour, chaque soleil, des reniements pires. Des reniements plus que triples. Qui n’ait proclamé la turpitude de l’homme. Le coq chante au point du jour. Ce que le coq chante au point du jour, au point de tous les jours ; dressés sur le fumier de toutes les fermes ; dressés sur leurs ergots, ce qu’ils vantent, ce qu’ils célèbrent, ce qu’ils proclament, ce qu’ils annoncent c’est nos reniements sans nombre. Comment peut-on entendre le matin le chant du coq, comment peut-on entendre chanter le coq, chanter un coq, le matin, et ils recommencent tous les jours, et combien de fois chaque jour, combien de fois par jour, sans penser aussitôt au triple reniement, sans pleurer aussitôt le triple reniement, et nos reniements, qui sont plus que triples. Chaque jour.

Un coq a chanté pour Pierre ; combien de coqs chantent pour nous ; la race n’en est pas perdue.

La race des coqs n’est pas perdue.

Seulement nous ne les entendons pas, ceux-là, nous ne voulons pas les entendre.

Hélas, hélas, il doit commencera y être habitué. Nous lui en avons donné l’habitude ; une habitude à lui-