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Hauviette

— Mais toi ça te laisse toujours sur ta faim, de faire ta prière. Et tu es toujours aussi malheureuse qu’avant. Après qu’avant. Écoute, Jeannette : Je sais pourquoi tu veux voir madame Gervaise.

Jeannette

— Personne encore ne l’a deviné, ni maman, ni ma grande sœur, ni notre amie Mengette.

Hauviette

— Je le sais, moi, pourquoi tu veux la voir, cette madame Gervaise.

Jeannette

— Alors, Hauviette, c’est que tu es bien malheureuse.

Hauviette

— Malheureuse, malheureuse, je suis malheureuse quand c’est mon tour. C’est pas toujours mon tour. Seulement je suis une fille qui voit clair. Tu veux voir madame Gervaise à cause de cette détresse que tu as dans l’âme, jusqu’au fond, jusqu’au dernier fond de l’âme. On s’imagine ici, dans la paroisse, que tu es heureuse de ta vie parce que tu fais la charité, parce que tu soignes les malades et que tu consoles ceux qui sont affligés ; et que tu es toujours là avec ceux qui ont de la peine. Mais moi, moi Hauviette, je sais que tu es malheureuse.

Jeannette

— Tu le sais parce que tu es mon amie, Hauviette.