Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/456

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Je m’applaudis d’avoir fait la nuit. Les jours sont des îlots et des îles
Qui percent et qui crèvent la mer.

Mais il faut bien qu’ils reposent dans la mer profonde. Ils sont bien forcés.

Ainsi vous autres jours vous êtes bien forcés.
Il faut bien que vous reposiez dans la profonde nuit.
Et toi nuit tu es la mer profonde
Où naviguait saint Paul, non plus ce petit lac de Tibériade.
Tous ces jours ne sont jamais que des membres

Démembrés. Ce sont les jours qui émergent, mais il faut bien qu’ils soient assis dans la pleine eau.

Dans la nuit pleine. Nuit ma plus belle invention c’est toi qui calmes, c’est toi qui apaises, c’est toi qui fais reposer

Les membres endoloris
Tout démanchés du travail du jour.
C’est toi qui calmes, c’est toi qui apaises, c’est toi qui fais reposer
Les cœurs endoloris

Les corps meurtris, les membres meurtris du labeur, les cœurs meurtris du labeur

Et de la peine et du souci quotidien.
Nuit, ô ma fille la Nuit, la plus religieuse de mes filles
La plus pieuse.

De mes filles, de mes créatures la plus dans mes mains, la plus abandonnée.

Tu me glorifies dans le Sommeil encore plus que ton Frère le Jour ne me glorifie dans le Travail.

Car l’homme dans le travail ne me glorifie que par son travail.