DES SAINTS INNOCENTS
(Trente, le malheureux, comme il ne sait pas ce qu’il
dit) Ne se gêne pas non plus pour dire ce qu’il pense C’est-à-dire pour dire le contraire En présence même d’un si g^rand roi Et d’un si grand saint Que pourtant il connaissait pour tel, C’est-à-dire pour contrarier un si grand roi et un si
grand saint. La liberté de parole De celui qui ne veut pas risquer le coup D’être lépreux plutôt que de tomber en péché mortel Me garantit la liberté de parole de celui qui aime mieux
être lépreux Que de tomber en péché mortel.
Si l’un ditce qu’il pense, l’autre aussi ditce qu’il pense. L’un prouve l’autre. Ils n’ont pas peur de contrarier même le roi, même le
saint. Mais aussi quand ils parlent, on sait qu’ils parlent
comme ils sont. Et qu’ils pensent ce qu’ils disent. Et qu’ils disent ce
qu’ils pensent. C’est tout un. Que ne ferait-on pas pour être aimé par de tels hommes. La servitude est un air que l’on respire dans une
prison Et dans une chambre de malade. Mais la liberté Est ce grand air que l’on respire dans une belle vallée Et encore plus à flanc de coteau et encore plus sur un
large plateau bien aéré. Or il y a un certain goût de l’air pur et du grand air Qui fait les hommes forts, un certain goût de santé, D’une pleine santé, virile, qui fait paraître tout autre
air
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