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ŒUVRES POSTHUMES

serai plus est sûr. Il a vu tout mon désespoir. Si la mort d'un infortuné vous inspirait un reste de pitié, parmi les noms qu'on va donner à Vhéritier... d'un autre plus heureux !... puis-je espérer que le nom de Léon vous rappellera quelquefois le souvenir du mal- heureux... qui expire en vous adorant, et signe pour la dernière fois, Chérubin Léon, d'Astorga ? »

... Puis, en caractères sanglants... « Blessé à mort, je rouvre celte lettre, et vous écris avec mon sang ce douloureux, cet éternel adieu. Souvenez-vous. »

Le reste est effacé par des larmes... Il faudrait être bien abandonnée, dit l'histoire, pour ne pas sentir, pour ne pas entendre dans cette innocente bravoure, et dans cette innocente bravade, et dans cette tendre, dans cette innocente jeunesse un écho des jeunesses corné- liennes et de l'héroïsme cornélien. Et il faudrait être bien abandonnée, et bien incompétente en jeunesse et en héroïsme, pour ne pas sentir passer déjà, passer d'avance, pour ne pas sentir annoncé, pour ne pas entendre évoqué d'avance dans cette innocente jeu- nesse, dans cet innocent héroïsme romantique les jeunes amours, les jeunes innocences, les jeunes héroïsmes de Musset. Pour moi, dit l'histoire, je trouve au cœur de cette lettre, (et s'il est encore permis de parler de for- mule), la formule même de la jeunesse de tout un peuple, (dans la jeunesse de Chérubin), et la formule de la jeunesse de tout un monde, et la formule de la jeunesse même absolument parlant. Puisque je ne dois plus vous voir, la vie m'est odieuse, et je vais la perdre

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