Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C L I avec joie dans la vive attaque d'un fort où je ne suis point commandé. Tout est là, dit l'histoire, et ce qui nous fait encore si mélancolique la romance de Chéru- bin, c'est qu'elle date exactement ce temps, et qu'elle date exactement de ce temps où tout un monde, où tout un peuple se perdit avec joie (ou fit tout ce qu'il fallait pour cela) dans la vive attaque d'un monde où il n'était point commandé.

Chérubin c'est Bara et Chérubin c'est Viala. Et Ché- rubin et Bara et Viala c'est tout un peuple ensemble et cette vive attaque d'un monde où il n'était point commandé. Chérubin Léon, d'Astorga, c'est ce petit gars de Palaiseau, ce hussard de la République, tué à l'ennemi à quatorze ans. Tout s'était employé, les évé- nements, l'événement, la race, les circonstances, le climat du pays et le climat du cœur, pour faire de tout un peuple une sorte d'innocent et ardent jouven- ceau, brûlant de jouer le monde à la face du monde, brûlant surtout de se faire périr pour tout ce qui ne le regardait pas. Et je vais la perdre avec joie dans la vive attaque d'un fort où je ne suis point commandé. On n'est jamais commandé, quand on ne veut pas. On est tou- jours commandé, quand on veut. Car n'est-ce pas, dit l'histoire, nous le savons. J'y étais peut-être. Ce n'est pas à cause de Taine que l'on a fichu l'ancien régime par terre. Nul n'était commandé pour fiche l'ancien régime par terre. Nul n'était requis, nul n'était tenu de fiche l'ancien régime par terre. C'est uniquement une idée qui leur a passé. Et ce n'est pas à cause de

141

�� �