Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/221

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droite c'est qu'elle vient courbe, et quand elle ne vient pas courbe c'est qu'elle vient brisée. Il faut se méfier de la grâce, dit l'histoire. Quand elle veut avoir un être, elle l'a. Quand elle veut avoir une créature, elle l'a. Elle ne prend pas les mêmes chemins que nous. Elle prend les chemins qu'elle veut. Elle ne prend même pas les mêmes chemins qu'elle-même. Elle ne prend jamais deux fois le même chemin. Elle est peut-être libre, dit l'histoire, elle la source de toute liberté. Quand elle ne vient point par en dessus, c'est qu'elle vient par en dessous ; et quand elle ne vient point par le centre c'est qu'elle vient par la circonférence. Et cette eau de cette source, quand elle ne procède point comme une fontaine jaillissante, comme l'eau d'une fontaine jaillissante, elle peut, si elle veut, procéder comme une eau qui suinte sournoisement par en des- sous d'une digue de Loire. Quand donc je la vois qui filtre, moi l'histoire et la géographie, et quand je la reconnais dois-je donc la méconnaître. Quand la Vertu s'avance vers moi déguisée, fût-ce laïcisée, dois-je mé- connaître la Vertu. Tout le monde peut la méconnaître, tout le monde excepté moi. Oui le monde moderne a tout fait pour proscrire la chrétienté, pour éliminer de soi toute substance, tout atome, toute trace de chré- tienté. Mais si je vois une invincible, une insubmer- sible, une incompressible chrétienté, resourdre d'en dessous, resourdre du pourtour, resourdre de partout, vais-je la méconnaître, parce que moi infirme je n'avais pas calculé d'où elle viendrait ; et pour la punir peut-

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