Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/228

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ŒUVRES POSTHUMES qu'elle ne reviendra jamais. Et qu'heureusement la mort viendra plutôt. Car il sait que depuis quelques années, depuis qu'il a passé, depuis qu'il est parvenu à ses trente-trois trente-cinq trente-sept ans et qu'il les a biennalement passés il sait quil a retrouvé l'être qu'il est, et qu'il a retrouvé d'être l'être qu'il est, un bon Français de l'espèce ordinaire, et vers Dieu un fidèle et un pécheur de la commune espèce. Mais enfin et surtout il sait qu'il sait. Car il sait le grand secret, de toute créature, le secret le plus universellement connu et qui pourtant n'a jamais filtré, le secret d'état entre tous, le secret le plus universellement confié, de proche en proche, de l'un à l'autre, à demi voix basse, au long des confidences, au secret des confessions, au hasard des routes et pourtant le secret le plus hermétiquement secret. Le vase de secret le plus hermétiquement clos. Le secret qu'on n'a jamais écrit. Le secret le plus uni- versellement divulgué et qui des hommes de quarante ans n'est jamais passé, par dessus les trente-sept ans, par dessus les trente-cinq ans, par dessus les trente- trois ans, n'est jamais descendu aux hommes d'en des- sous. Il sait ; et il sait qu'il sait. Il sait que Von n'est pas heureux. Il sait que depuis qu'il y a l'homme nul homme jamais n'a été heureux. Et il le sait même si profondément, et d'une science si entrée dans le profond de son cœur, que c'est peut-être, que c'est assurément la seule croyance, la seule science à laquelle il tienne, dans laquelle il se sente et il se sache engagé d'hon- neur, la seule précisément où il n'y ait aucun entende-

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