Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/252

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ŒUVRES POSTHUMES suis en effet une science, au sens où ils entendent ce mot, et comme ils veulent, et alors je ne peux pas même commencer le commencement de mon commencement, ou bien je trahis, fût-ce d'un atome, d'être une science, une science leur, et comme ils m'ont rendue incapable d'être un art, je ne suis plus rien du tout. Melpomène, Érato, je ne sais qui, Terpsichore même passe avant moi. Je suis toujours prise dans des dilemmes. Clio, je manque de fiches, histoire j'en ai trop. Tant qu'il s'agit des peuples antiques, je manque de documents. Dès qu'il s'agit des peuples modernes, j'en ai trop. Langlois et Seignobos disent au commencement de leur livre que l'histoire se fait avec des documents. C'est une façon de parler bien grossière. (Et bien en rac- courci elle-même, pour des hommes qui n'aiment pas le raccourci). L'histoire se fait aussi contre des docu- ments. Elle se fait même surtout contre le document. Pour les temps perdus je manque de documents. Pour les temps non perdus j'en ai trop. Or il n'y a que de ces deux temps-là. (Et s'il y avait un troisième temps, un temps intermédiaire, où il y eût juste assez de docu- ments perdus, (et par suite où il restât juste assez de documents), qui garantirait qu'ils seraient perdus juste comme il faut, c'est-à-dire que ce seraient juste ceux qu'il fallait pex'drequise fussent perdus). Tout le débat est là. On feint qu'il n'y a qu'une histoire, or il y a deux histoires, Clio et Vhistoire, nous-mêmes nous l'avons vu de reste. Pour les temps antiques, pour les peuples antiques, pour les hommes antiques, pour les événe-

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