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nous allons dans les Orients. Et doublement nous n'avons pas de pays. Car il n'y a pas seulement les pays locaux, il y a aussi les pays temporels. Et il y a peut- être même plus encore les pays temporels, les zones temporelles, les climats temporels. Il n'y a pas seule- ment les pays géographiques, il y a aussi les pays histo- riques. Et il y a peut-être même plus encore les pays historiques, les zones historiques, les climats histo- riques. Quand je vois ces jeunes gens partir vers les Orients de l'archéologie, je suis comme l'autre, j'ai toujours envie de leur dire, à présent : Vous navez donc pas de pays ?

C'est-à-dire vous n'avez donc pas un endroit dans le temps, (De quel endroit que tu es, disaient les anciens aux conscrits), un lieu dans le temps pour ainsi dire, un temps où vous situer, un temps où vous soyez homme, citoyen, soldat, père, électeur, contri- buable, auteur, toutes les inévitables, toutes les irré- parables, toutes les sacrées sottises.

Et moi-même dit-elle la marâtre de tant de jeunes gens, moi qui erre sans cesse, plus aveugle qu'OEdipe et plus abandonnée, dans tous les pays temporels du monde, moi entre toutes je suis celle qui n'a pas de pays.

C'est Castre qui change de zone, si j'avais un pays, pensez-vous que l'on me verrait errer dans tous les pays du monde.

Homère avait un pays, Platon avait un pays.

Corneille avait un pays, Rembrandt avait un pays, Beethoven avait un pays.

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