Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/326

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ŒUVRES POSTHUMES Cette affaire Dreyfus, dit-elle, est particulièrement heureuse en ceci, (heureuse, hélas), et elle est même uniquement bien choisie, la mieux choisie seule entre toutes, (et elle gardera cet avantage peut-être jusqu'à ce qu'il y ait eu une nouvelle affaire, que Dieu veuille qu'il n'y ait plus jamais), parce que c'est encore une affaire limite, parce que pour la sorte de discernement auquel nous sommes appointés, dit-elle, elle est juste sur le bord de la limite. Elle est juste à ce point, elle est juste sur ce bourrelet de la dernière dune où l'on pourrait croire que c'est encore, qu'elle est encore texte et matière à une remémoration, à la mémoire, à un mémorialiste et chroniqueur, au vieillissement. Étant la plus près, la plus sous la main, on croit qu'elle n'est point devenue historique. Rassurons-nous, mes enfants, dit-elle, et pleurons sur elle : elle est bien morte, elle ne nous divisera plus.

Entrant même dans le détail de cette affaire, dit-elle, sil en était besoin, et si nous en avions le temps, et dans le détail de la solution ou plutôt de la liquidation de cette affaire, qui ne voit que tout l'effort et que tout le travail des politiciens, (ils avaient peut-être raison, puisque de cette réconciliation est tout de même sortie cette nouvelle grandeurdela France), (que nous faisons et à laquelle nous assistons), a été de nous réconcilier sur cette affaire, c'est-à-dire de nous faire perdre pré- maturément et artificiellement le sens de cette affaire, l'intelligence, l'entendement, intérieur, le secret, litté- ralement la mémoire de cette affaire. C'est encore à

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