Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/327

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G L I dire, en fin de compte, que tout le jeu des politiciens a été précisément et très exactement de nous transfor- mer prématurément et artificiellement en historiens : de dreyfusards, (et d'antidreyfusards), en historiens de l'affaire Drevfus ; de nous transporter prématurément et artificiellement de la position de dreyfusards, (et d'antidreyfusards), en la position d'historiens, de l'af- faire Dreyfus, et du dreyfusisme. Comme le peuple dit : faire perdre le goût du pain, littéralement ainsi ils nous ont fait perdre le goût de l'affaire Dreyfus. Vous trouveriez difficilement aujourd'hui, dit-elle, un seul homme qui vous parlerait de l'affaire Dreyfus autre- ment qu'en historien. Vous trouveriez difficilement un seul homme qui en ait (gardé) la mémoire, qui vous en parlerait en mémorialiste et en chroniqueur. Oh nous sommes bien réconciliés, dit-elle. Ce que l'on reproche précisément à M. Alfred Dreyfus, dit-elle, c'est qu'il ait pris le premier cette position d'historien. Il pouvait nous faire cette grâce de la prendre au moins le dernier.

Perdre le goût du pain, c'est mourir. Faire perdre le goùtdupain, c'est tuer. (Exactement/arrepasserlegoût du pain). Exactement en ce se sens nous ayant fait perdre, nous ayant fait passer le goût de l'affaire Dreyfus ils nous ont fait littéralement mourir à l'affaire Dreyfus, et au dreyfusisme. Restait à savoir si ce fut un bien grand dom- mage. Mais cela, dit-elle, c'est une tout autre question.

Ce que l'on reproche à l'ancien Etat-Major dreyfu- sard, la forfaiture qu'il commit, dit-elle, ce n'est pas d'avoir donné les mains à cette opération, c'est, le

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