Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ŒUVRES POSTHUMES un problème de l'organisation même de la mémoire. Tout ceci me revient encore et toujours, comme par hasard. C'est de mon domaine (il est grand), et de ceci aussi je suis naturellement reine. On vous parlait hier aux cahiers de ce très grand peintre moderne et con- temporain qui avait fait vingt-sept ou trente-cinq fois ses célèbres Nénuphars ; ou Nymphéas ; (je donnerais cher, dit l'histoire, pour savoir en ce moment la diffé- rence qu'il y a, ou qu'il doit y avoir, entre des Nénu- phars et des Nymphéas, s'il y en a une ; et qui les avait vendus au moins trente mille francs chaque (fois). Trente mille francs l'un, ou trente-et-un mille francs. Ces comptes là ne sont jamais justes. Je ne vous dis pas cela, mon ami, je ne vous le rappelle pas, d'hier sur aujourd'hui, pour vous inciter traîtreusement à faire une multiplication. (Qui d'ailleurs serait téméraire, car je ne vous garantis pas les uns ni les autres nombres, d'abord parce que je ne les sais pas (moi même l'his- toire je ne sais pas tout;, et si je vous les livrais, (quand je les saurais), j'aurais l'air de (vouloir) désigner quelqu'un). Non seulement donc je ne lui reproche pas de les avoir vendus trente mille francs l'un (moi l'his- toire je sais un peu ce que c'est que le temporel) ; mais je ne lui reproche pas plus de les avoir faits trente fois. Comment lui en faire un grief, quand au contraire les plus grands ont fait ainsi, — et n'ont peut-être été grands que pour cela, — quand les plus grands génies en ont fait autant, — et n'ont peut-être été grands et génies que pour cela. — Je serais fort ingrate de lui en faire un

54

�� �