Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/65

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grief, car si je vous en parle, c'est au contraire que ce grand peintre n'a pas peint seulement vingt-sept et trente-cinq fois ses admirables nénuphars, mais il a peint aussi en même temps dedans ainsi l'exemple le plus parfait que l'on puisse imaginer, le cas le plus ramassé qui se pût faire, le modèle pour ainsi dire, que sans cela il eût fallu faire exprès, l'exemplaire culmi- nant, l'exemple le plus et le mieux approprié de ce pro- blème central, un cas vraiment type, l'exemple le plus plein de sens et de représentation. Tous nous refaisons nos célèbres Nénuphars. Tous nous petits. Mais les plus grands génies du monde n'ont point procédé autre- ment. Et c'est peut-être en cela que consiste qu'ils aient été des génies, et les plus grands génies du monde. Les uns expressément et très visiblement, les autres plus sourdement, plus secrètement ; les mêmes plus ou moins expressément ou plus secrètement, plus ou moins visiblement, superficiellement, ou plus inté- rieurement pour ainsi dire, plus profondément, dans un intérieur plus profond ils n'ont souvent fait, ils n'ont peut-être jamais fait que recommencer leurs admirables Nénuphars. Les uns de les peindre ; et les autres de les chanter ; de les écrire ; de les conter. C'est à se deman- der si ce n'est point la marche propre du génie, si tel n'est point l'ordre du génie, sa technique et sa desti- nation : de donner une /ois pour toutes, autant que possible pour éternellement, une certaine résonance temporelle. C'est vrai, c'est réel pour un Rembrandt. Combien de fois expressément n'a-t-il pas fait le(s)

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