Page:Peguy oeuvres completes 08.djvu/66

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ŒUVRES POSTHUMES même(s) dessin(s), la même peinture, les mêmes por- traits, de lui, les mêmes Rembrandts. Et profondément n'a-t-il pas toujours fait le même ? A une certaine pro- fondeur, dans un certain secret, dans un dedans infini- ment plus profond que le dessus. C'est vrai, c'est réel d'un Beethoven, d'un Corneille, d'un Michelet, ce génie de l'histoire. Il ne faut pas perdre une occasion, mon ami, de redéclarer que Michelet est le génie même de l'histoire, d'abord parce que c'est vrai ; et puis ça em- bête tant de monde ; et c'est un si grand supplice pour nos grands amis les modernes. Mais je ne crois peut- être pas que jamais on ait réalisé un cas si bien ramassé, si merveilleusement unique, si rare, si limite, si par- faitement réussi que celui de ces propres nénuphars. Je ne crois pas que jamais on en ait peint, ni chanté, ni écrit, ni conté un plus typique. Il pose en effet dans toute sa beauté, dans tout son cas le problème où nous sommes arrêtés, ce problème central. Etant donné qu'un très grand peintre a peint vingt-sept et trente- cinq fois ses célèbres nénuphars, quand les a-t-il peints le mieux. Et vous voyez où ça mène, ensemble, pour tous les autres. Lesquels de ces vingt-sept et de ces trente-cinq nénuphars ont été peints le mieux? Le mouvement logique serait de dire : le dernier, parce qu'il savait (le) plus. Et moi je dis : au contraire, au fond, le premier, parce qu'il savait (le) moins.

Jamais le mouvement logique n'a paru plus indigent que dans ce cas, plus mal averti, plus mal renseigné, plus raide, plus étranger à la réalité, même, à la réalité

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