Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/150

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impunément comme étant une physique et comme n’étant pas une métaphysique.

Par suite et comme il était naturel je ne crois pas que chez aucun peuple en aucun temps il y ait jamais eu une génération qui ait traité aussi durement, aussi ingratement, avec une telle haine, avec une telle fureur, avec une telle aigreur, si malencontreusement la génération suivante que la génération qui nous a précédés nous a traités et nous traite. Elle est vraiment, elle a vraiment pour nous des sentiments comme ces vieilles ogresses des contes de fée qui voulaient toujours dévorer la jeune reine sur coulis de petits pois.

C’est ainsi que la vieille Sorbonne est devenue une sorte d’ogresse au moment même où nous ne demandions qu’à l’entourer du plus filial respect. Que nos anciens ne s’y trompent pas, — et nous-mêmes il est temps bientôt que nous commencions à ne pas l’oublier, — les jeunes gens, la bonne race, la saine race française ne demande qu’à admirer, elle ne demande qu’à aimer, elle ne demande qu’à respecter, elle ne demande qu’à être filiale. Encore faut-il qu’on ne les reboule pas, qu’on ne les traite pas injurieusement, qu’on ne les reçoive pas avec des paroles injurieuses, avec des silences plus injurieux encore. Nous ne voulons pas être traités comme des suspects par des anciens qui sans nous n’existeraient pas dans une maison qui sans doute était emportée il y a quinze ans dans la tourmente antisémitique. Les jeunes gens, la bonne race, la saine race française, le Français a aussi une certaine fierté, un sentiment très vif de sa dignité, un honneur. Il est aussi facile à décourager qu’à encourager. Le moindre bon