Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/149

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mesurent ce vieillissement d’une façon pour ainsi dire géométrique, comme des arpenteurs, par leur propre avancement dans les grandeurs, dans les places, dans les autorités temporelles, dans les puissances, mais ils ne veulent point se rendre compte que les autres, que leurs cadets que les jeunes, hélas, que les générations suivantes progressent sensiblement avec la même vitesse. Toutes les crises de famille, les pères et les fils, viennent de là. Cet homme ne veut pas comprendre que cet homme aussi, son fils, est devenu un homme. Et les mères sont généralement pires que les pères. Parce que les femmes sont encore pires que les hommes. Toute cette crise de la Sorbonne, qui est si profonde, (pas la Sorbonne, la crise), vient de ce que toute une génération, qui arrive à la soixantaine, ne veut pas comprendre que toute une génération, une autre, la nôtre, arrive à la quarantaine.

Si ce malentendu perpétuel, perpétuellement fourni, perpétuellement renouvelé, se produit, se déverse régulièrement de génération en génération comme une cascade de malentendu et d’inentendu au point que c’est la loi même du vieillissement dans la famille, dans la race, dans le peuple, — dans la philosophie, dans la métaphysique, dans la morale, dans un art, dans une science, — quel ne devait-il pas se produire entre la génération qui nous a précédés et nous, quand on considère le degré de suffisance scientifique où est parvenue la génération qui nous a précédés. Je ne crois pas que chez aucun peuple en aucun temps on ait jamais, on puisse trouver une génération, une promotion qui ait jamais été aussi sûre d’elle, qui ait jamais présenté une métaphysique aussi impudemment, aussi