Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/165

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Le Parti Intellectuel, lui, n’est pas geignard. Non, mais il en est venu dans sa soif de domination, dans son besoin de tyrannie à un tel degré de susceptibilité, à un tel point de sursensibilité, — (je ne dis pas de suprasensibilité, ce qui prouve que le latin dans le français est encore une belle langue), — que l’on ne peut plus seulement prononcer ce mot, ces trois syllabes, la Sor-bonne, sans s’attirer aussitôt de bas en haut des regards obliquement circonférentiels. Que si vous ajoutez que vous connaissez M. Massis et que c’est un fort honnête homme, aussitôt on vous regarde, on vous regarde, — ou plutôt on ne vous regarde pas, — comme je n’aimerais pas à être regardé. Il était naturel d’ailleurs que cette affaire, qu’une affaire qui venait du Parti Intellectuel et qui intéressait le Parti Intellectuel finît par des mots tabous. Je connais une maison où l’on ne peut plus aller, parce que si vous dites par exemple : Il y a un fiacre qui remonte la rue de la Sorbonne, à ce seul nom, à ce seul mot de Sorbonne tout le monde vousse les épaules et regarde obstinément dans le fond de son verre. Je veux dire, dans le fond de sa tasse.

Le Parti Intellectuel est comme tous les pouvoirs absolus, quand les prend l’esprit de vertige, l’esprit d’imprudence et d’erreur. Ils ne veulent recevoir aucune réforme du dedans. Ils traitent comme ennemis ceux qui veulent du dedans, longtemps, longuement, patiemment leur faire entendre la voix de la raison ; la voix de la justice ; la voix de la liberté ; la voix de la justesse. Qu’ils ne s’étonnent point dès lors de recevoir des atteintes matérielles, et de les recevoir du dehors. C’est la loi.

C’est l’événement de toutes les tyrannies.