Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/196

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Il ne l’a pas été. On réussissait ainsi deux coups. Premièrement on discréditait les Lettres dans leur ensemble, en corps, on les montrait incapables de recevoir, de se faire attribuer, décerner un prix expressément fondé pour elles. Deuxièmement on tentait de discréditer l’écrivain, quel qu’il fût, à qui l’Académie pouvait penser pour l’attribution de ce prix. Or cet écrivain, il suffisait qu’il fût un écrivain pour être un ennemi né du Parti Intellectuel.

La preuve est faite. Quand je disais aux nouveaux : Vous ne savez pas combien ils sont puissants. Je les connais. Il y a vingt ans qu’ils sont sur moi. Méfiez-vous. — les enfants riaient, disant : C’est un vieux. Il veut faire valoir ses campagnes. Il exagère l’ennemi. — À présent ils ont vu. La preuve est faite. Ou encore on précisait : Vous les voyez partout, me disait-on. Eh bien oui, on vous accorde qu’ils sont très forts chez eux. Ils sont très forts en Sorbonne. Ils sont souverains pour faire une nomination dans l’Enseignement Supérieur. Hors de là on ne les connaît pas. Ils n’existent pas. Ils ne sont rien dans le monde. Ils ne sont rien à Paris. — L’expérience est faite, sur un bon exemple, — (ai-je encore le droit de dire sur un exemple éminent), — qu’ils ne sont rien dans le monde. Aujourd’hui la preuve est faite, publique. Il a suffi qu’un ordre vînt, porté par M. Lavisse. Il a suffi qu’un ordre du Parti Intellectuel fût apporté, parti de la rue d’Ulm, pour que l’Académie fléchît, pour qu’une résolution, pour qu’un vote presque solennel, pour qu’une Institution de l’Académie fût abolie, fût nulle, fût non avenue. Pour que la volonté de l’Académie fléchît. En somme pour que l’Académie se déjugeât.