Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/228

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Bulletin me rappeler, me redonner cette antique pureté de mœurs, cette pauvreté, cette petitesse, cette humilité, cette exiguïté, ces abonnés fermes et ces abonnés mal fermes, ces cent cinquante ou deux cents abonnés, toute cette pureté première de la fondation des cahiers. Quel journal et quelle revue, quel périodique, quelle revue était autant que le Bulletin notre filiale en esprit et en mœurs, notre secrète filiale spirituelle. Notre fille et notre filleule. Un nouveau bourgeonnement, une nouvelle source, un rejaillissement de notre jeunesse.

Je nous revois encore, mon cher Lotte, je revois notre jeunesse commune, je revois nos communes études. Tu avais quelques années de moins que moi, une ou deux peut-être seulement, mais c’est énorme quand l’un entre seulement en Rhétorique Supérieure et que l’autre,— (alter, l’autre des deux), — y ayant déjà fait une année l’année précédente, y rentre au contraire pour sa deuxième année comme vétéran, veteranus, vieux soldat, ancien soldat. Nous affrontions alors la même grande guerre, qui était la guerre de l’entrée à l’ancienne École Normale Supérieure. Nous sommes deux vieux Louis-le-Grand, toi et moi, et deux vieux Barbistes, d’incorrigibles vieux Louis le Grand et Barbistes. Nous sommes de cette petite compagnie de Barbistes qui pendant quelques années préparant l’École Normale Supérieure suivirent les cours de la Rhétorique Supérieure de Louis-le-Grand. Allons, nous allions en cagne, disons le mot de l’argot de notre jeunesse et que nos jeunes héritiers n’aient point peur du vieux mot : nous étions deux cagneux. Marcel Baudouin, Tharaud, Deshairs, Péguy, Roy, Pesloüan, — (celui-ci seul non cagneux, il