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Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/259

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presque dire de stoïcien on pourrait presque dire dans cette religion de l’honneur qu’était la chevalerie, les lois et faits, la loi et le geste et l’attitude de chevalerie ne s’accordait pas toujours avec une religion qui a mis l’Orgueil en tête des Capitaux, qui a fait de l’humilité plus peut-être qu’une vertu, son mode même et son rythme, son goût secret, son attitude extérieure et profonde, charnelle et spirituelle, sa posture, ses mœurs, son expérience perpétuelle, presque son être. Il y eut il ne faut sans doute peut-être pas dire pendant tout le Moyen-Âge, mais pendant tout le règne de la Féodalité il y eut si je puis dire et plus que quelque contrariété et comme une certaine concurrence profonde entre la religion de l’honneur et la religion de Dieu. Soyons assurés que Jeanne d’Arc le sentait très profondément. Elle était trop profondément peuple et trop profondément chrétienne et trop grande et trop profondément sainte pour ne pas le sentir et l’avoir senti très profondément. Elle fut une fleur de vaillance française, de charité française, de sainteté française. Elle fut une fleur de la race chrétienne et de la race française, une fleur de chrétienté, une fleur de toutes les vertus héroïques. On ne peut pas dire, à moins de forcer beaucoup le sens des mots, ou au contraire à moins de se remettre à parler mou, qu’elle fut une fleur de chevalerie. Une vocation trop profonde l’avait marquée. Croyons qu’une sainte marquée à ce point pour tant de grandeur et pour une vie si profonde, marquée à ce point pour toutes les vertus, marquée, appelée à ce point pour le ciel avait mesuré d’avance tout ce qu’il y a de précaire dans un honneur qui n’est que de ce monde. Elle faillit entrer plusieurs fois en conflit avec