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Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/287

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et peut-être de toutes les faiblesses dans certains ordres, dans plusieurs ordres, dans beaucoup d’ordres. Il n’y a qu’une faiblesse dont je me sente absolument garanti. Je suis à un âge où un homme sérieusement éprouvé se sent capable de tant de faiblesses. Ce n’est point impunément qu’on traverse la vie. Et une telle vie. C’est dans les livres que les épreuves durcissent un homme, le raffermissent. Mais il n’y a qu’une faiblesse dont je me sente absolument garanti. C’est de faiblir dans un trait quelconque d’un portrait quelconque que j’aie entrepris d’un bandit ou d’un saint ; — où d’un événement ; — où d’un peuple. C’est un vice que j’ai. C’est plus solide qu’une vertu. C’est ce qui m’a conduit dans cette sorte de vie, d’où je ne sortirai pas. Il faudra que l’on s’y habitue. Moi-même je m’y suis bien habitué.

« qui s’inspire de la chevaleresque Jeanne d’Arc,… » monsieur Laudet vous savez très bien que nous ne sommes rien en comparaison de ces grands saints, comme nous ne sommes rien en comparaison des grands héros. Puissions-nous être seulement, puissions-nous être quelquefois leurs appariteurs et leurs huissiers. Puissions-nous être celui qui se trouve là juste à point pour ouvrir cette porte. Mais c’était justement la porte qu’il fallait. Puissions-nous être celui qui balaye les ordures de la rue.

S’inspirer de. Ne confondons point les ordres de grandeur. Ces grands saints sont si l’on me permet de dire comme des Napoléons dans leur ordre, comme les Napoléons de la sainteté. Vais-je aussi, dans le temporel, imiter Napoléon.