Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/62

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bourraient la vie publique, qu’ils inventaient, qu’ils forgeaient, qu’ils improvisaient, qu’ils formaient, qu’ils faisaient, qu’ils obtenaient les vertus publiques, les vertus de la vie publique. De cette matière qu’ils connaissaient, la vie privée, les vertus de la vie privée, ils tiraient, ils élaboraient, ils obtenaient, non point même par imitation, mais par extension, par application, par délégation cette matière qu’ils ne connaissaient pas, la vie publique, les vertus de la vie publique. Ce n’est point au hasard et par un caprice des mots, c’est par une logique interne la plus profonde du langage même que la patience est la vertu de la passion. Les saints chrétiens, les saints publics étaient éminemment des hommes, des saints, des appelés, vocati, qui pour se garantir dans l’extrême danger de missions extraordinaires y portaient d’abord, commençaient par y transporter les vertus ordinaires, usuelles, les vertus de tous les jours, familières, les vertus à la main, virtutes manu factas.

§ 118. — Il ne fait aucun doute, et les saints le savaient bien, qu’il y a une sorte d’accointance propre entre la sainteté et la petite vie, une convenance particulière, propre, un goût de la grâce pour le secret, pour la vertu secrète, une accointance de Dieu pour l’humilité (non pas seulement pour l’humilité du cœur, mais pour l’humilité de la situation même, comme garantissant, comme enregistrant temporellement, comme inscrivant temporellement l’humilité du cœur) une accointance propre de Jésus pour les pauvres et les misérables et les humbles et les obscurs et les non publics. Tous les Évangiles regorgent d’une tendresse propre de