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la maison de France est directement imité du gouvernement de cette maison de Nazareth qui selon M. Laudet et dans la théologie de M. Laudet ne nous appartient pas. Mais peut-être que le roi de France n’est pas un assez grand personnage, peut-être que saint Louis des Français n’est pas un personnage assez public pour M. Laudet.

§ 120. — Deuxièmement les saints y pourvoyaient en vivant, en continuant de vivre leur vie privée tout au travers, tout en dedans, tout en dessous de leur vie publique. La vie chrétienne est organisée de telle sorte, (et M. Laudet est le seul à l’ignorer), que quelles que soient les destinées publiques, quelles que soient les vocations publiques d’un chrétien le tissu même de sa vie privée n’en reçoit aucune altération, aucune atténuation, aucune diminution d’aucune sorte. Aucune atteinte. À quelques destinées, à quelques missions, à quelques vocations publiques qu’un chrétien soit appelé il reste toujours chrétien, il vit toujours chrétien, sa chrétienté privée, sa vertu privée est toujours la même, a toujours à s’exercer aussi pleinement, aussi la même. La vie privée court sous la vie publique, entretient, soutient, porte, supporte, nourrit la vie publique. Les vertus privées courent sous les vertus publiques, entretiennent, soutiennent, portent, supportent, nourrissent les vertus publiques. Les saints publics, faisant du public, ne sortent pas du privé. Le privé est le tissu même. Publica, les missions publiques ne sont jamais que des émergences, des éminences. Les vocations publiques, les missions publiques ne sont jamais que des îlots ; et c’est le privé qui est la mer profonde. Il y a une liaison secrète, une affection secrète de la grâce