Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/98

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peut recouvrir une partie plus ou moins grande de la commune surface totale. Ce sont des gradations et des variations sans nombre de situations partiellement fidèles, partiellement infidèles. Pour nous chrétiens les partiellement fidèles partiellement infidèles sont des hommes qui se sont que partiellement éclairés.

§ 176. — Mais que dire de l’homme, et n’encourra-t-il pas le commun mépris, le mépris des uns et des autres, des fidèles et des infidèles, que dire de l’homme qui veut tromper les uns et les autres, qui veut toucher aux deux guichets, qui veut jouer les deux jeux, tenir les deux termes ensemble du pari, émarger aux deux listes, figurer à la fois sur les listes temporelles et sur la liste éternelle, l’homme qui d’une main fait semblant de croire pour se faire une grosse carrière temporelle dans le monde bien pensant, tromper les catholiques, se faire une (grosse) clientèle catholique ; et de l’autre main. De l’autre main l’homme qui a honte, l’homme qui tremble de honte que quelquefois on ne croie qu’il croit.

§ 177. — Vae tepidis ; malheur aux tièdes. Honte au honteux. Malheur et honte à celui qui a honte. Il ne s’agit point tant ici encore de croire ou de ne pas croire. Et quelle est la surface de recouvrement et les manques de recouvrement de la créance. Il s’agit de savoir quelle est la source profonde de l’incréance, quelles sont les profondeurs de ces manques, d’où viennent, d’où remontent ces incrédulités. Or nulle source n’est aussi honteuse que la honte. Et la peur. Et de toutes les peurs la plus honteuse est certainement la peur du ridicule,