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xiii
Préface

qui leur ressemblent, et c’est la raison qui les fait émouvoir et se passionner aux œuvres dans lesquelles ils ont affaire à des hommes comme eux. Les enfants seuls font exception parce qu’ils ont la naïveté et la foi de l’enfance. Ils croient à tout ce qu’on leur raconte, ogres ou fées, mais ce sont là des contes et non pas des romans ! L’imagination des hommes est plus difficile. Elle peut accepter ce qui étonne et ce qui lui est supérieur, mais elle ne veut pas de ce qui l’écrase, et on l’écrase, quand on veut la faire s’intéresser à des créatures hors nature, et qui ne sont plus en proportion avec elle. Alors, du coup, les sources de l’émotion et du pathétique sont taries… Balzac lui-même, l’omnipotent Balzac, qui croyait pouvoir tout oser, s’est heurté à cet écueil contre lequel M. Péladan pourrait se briser. Plusieurs fois, Balzac est sorti de la nature humaine. Dans Séraphitus-Séraphita où il a peint l’androgyne céleste de Swédenborg, dans sa Peau de chagrin dont la donnée est orientalement fabuleuse, et dans Ursule Mirouet où le magnétisme moderne joue un rôle qu’on n’y voudrait pas voir et que M. Péladan, dans son Vice suprême, a exagéré. Eh bien ! malgré l’imposant exemple de Balzac, c’est toujours une tentative téméraire et dangereuse, car elle permet tout, que d’introduire merveilleux extra-humain dans la réalité des ses telles qu’elles existent ou telles que nous