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le vice suprême

semblable, aussi, au répons sonore de litanies balbutiées dans une somnolence de dévote, ou bien au refrain d’une ballade dont on ne sait pas les strophes : « Albine s’abandonna, Serge la posséda, le parc applaudissait formidablement. »

À ce chapitre où toutes les sèves en délire éclatent en un cri du Rut, la princesse n’avait pas vibré. Cette bestiale ardeur n’éveillait rien dans ses sens délicats et raffinés de décadente. Elle avait tourné d’une main froide ces pages enfiévrées, mais la curiosité, chez elle analytique, avait été intéressée par ce tableau d’une sensation inconnue, d’un sentiment plus inconnu encore.

La femme qui lit un roman, essaye, par un instinct fatal sur son âme, les passions du livre ; comme elle essayerait infailliblement, sur ses épaules, la mante de forme rare qu’elle trouverait sur un meuble, aimant à se retrouver dans l’héroïne. Exceptionnelle, la princesse eût souffert de se voir écrite ; et à lire Balzac, elle s’irritait pour les coins d’elle-même qu’elle y trouvait révélés.

Satisfaite, dans le soin de sa gloire, d’être indemne des ivresses animales de la sexualité ; confirmée dans la rareté de son caractère, elle reçoit une louange des disparates qu’elle se découvre et sa supériorité s’augmente de tout ce qui la dissemble des autres.

Dans son passé, aucune frondaison de Paradou ; dans son souvenir, aucune figure de Serge, aucune.

Tout à l’heure, l’eau tombait en perles de sa nudité, et elle se complaisait aux lys de sa peau que nul baiser ne rosit jamais ; maintenant une volupté qui a manqué aux Pharaons et aux Césars, lui vient de la continence de ses reins, de l’impavidité de son cœur : l’impériale satisfaction d’avoir fait toute sa volonté sur soi-même.

Elle n’est, ni Sémiramis, ni Cléopâtre. Son nom