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6
le vice suprême


ii

place de la seigneurie

D’abord un Pannini : ce que ses yeux d’enfant, étonnés de voir, ont premièrement aperçu ; et le décor de fond de sa vie enfermée d’enfant patricienne.

Du premier joujou au premier rêve, de la poupée à l’amant, cette poupée idéale ; tout le temps que ses courtes robes de baby ont mis à s’allonger, sur ses jambes de jeune fille : toujours cet horizon. Qu’elle ouvrit sa fenêtre au frais matin ; qu’elle y vint par l’instinctivité de l’enfance qui aime à voir du ciel et se sent oiseau ; que, les nuits, sa puberté demandât leur nom aux attirantes étoiles, et à l’ombre du dehors un voile de mystère pour ses rougeurs sans cause de fleur, frôlée par les phalènes de l’adolescence : devant ses yeux souriants à l’avenir ignoré ou embrumés des larmes anticipées que la prévision des douleurs prochaines fait perler aux jeunes paupières ; dans la multiplicité et la succession de ses naissantes pensées : toujours la place de la Seigneurie.

Le premier livre lu en secret, premier fruit défendu, cueilli à l’arbre triste et séducteur de la science, s’en taille si profondément dans l’esprit, que ni les baisers de la passion ne l’effacent, ni le sel figé des larmes n’en couvre l’empreinte. De même, les spectacles quotidiens pendant des années, se gravent dans le souvenir, rendus ineffaçables par cette contemplation machinale des heures passives, où la corde du sentiment à vide rend