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le vice suprême

l’aube donnait ses grands coups de craie, dans le ciel noir, et que des pas sonnaient sur les dalles des rues, alors, la tête en feu, les reins et la nuque brisés ; de l’ankylose au coude et la petite mort sur la peau, elle se recouchait presque pleurante et rageuse, s’endormait lourdement, dans son dépit saignant, étendue à plat ventre et la face vers le mur.


iv

l’amant et l’amie

Amidei, descendant de ceux qui assassinèrent Buodelmonte, était un timide et rougissant jeune homme, tout fille, à la tête Benjamine, au parler doux et hésitant que son oncle, le vieux Strozzi, poussait à courtiser Leonora, dans l’espoir d’un mariage bellement héraldique.

Docile et cédant au besoin d’aimer de son âme tendre, il s’éprit passionnément. Leonora, déjà méchante, c’est-à-dire déjà femme, s’amusa de ce sentiment avec cruauté. Osait-il quelque déclaration balbutiée, la jeune princesse singeant son air chérubin, lui roucoulait en réponse, sur un ton bouffe, les plus langoureux sonnets de Pétrarque.

— « Parlez-moi d’amour ainsi et je vous écouterai. » — « Je ne sais qu’aimer, je ne sais pas le dire ! » répondait Amidei. — « Comment ! » s’exclamait Leonora, « vous m’aimez et vous n’en devenez pas poète ? Je ne veux de soupirs que sous forme de canzones et sonnets, comme