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le vice suprême

absolue de la passion. Betty viennoise, selon la formule de Gozzi, mélancoliquement timide, et d’une mignonne gaucherie à la Schoorel, couvait Leonora de regards troublés, en une adoration qui la faisait lécher de baisers les mains de la princesse, avec une animalité douce dans la caresse. Peut-être Leonora eût-elle ouvert ses lèvres minces aux baisers lesbiens, si Betty eût risqué la caresse de Bianca : mais la suprême recommandation du P. François la maintint en face d’une tentation qui n’osait pas. En cette rencontre, elle eut la haute volupté qui s’éprouve au perpétuel coudoiement d’un péché intense, facile, secret et refusé.

Bojo lui fit composer une Salutation de retable et deux chories de Saintes portant les instruments de leur martyre ; puis des échafaudages ayant été dressés dans la chapelle du Poggio :

— « À nous deux, cette Sixtine, Altesse, » dit-il.

Dès lors, les cours eurent lieu singulièrement. Tandis que la princesse faisait apparaître sur l’outre-mer, les blancheurs lyléennes des vierges, Sarkis arpentait les dalles, dissertant et lorsqu’il se taisait, Warke, assis à l’orgue, exécutait des fugues de Bach. Cinq mois passèrent de cette esthétique façon ; à l’approche de la distribution des prix, Mme Oliva, ravie de voir sa chapelle peinte à fresque, pria Leonora et ses maîtres d’écrire une comédie pour cette solennité.

— « La cour de Ferrare, voilà le titre, » s’écria Sarkis, et fouillant les livres, il en tira toutes les minuties d’une exacte restauration historique. Warke, en exégiste, proposait la Casu Estense, ou la prise de Ferrare sur les Torelli.

— « Je veux, » dit Leonora, « remplir le rôle de Leonora d’Este, mon aïeule, cela se passera donc sous Alphonse ii. »

Soufflée par Sarkis, elle imagina une Célimène de la Renaissance. L’action était peu de chose, un poète