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le vice suprême


viii

le prince sigismond malatesta

Plutôt amant que l’on rêve, que mari qu’on subit, que l’on trompe, en lui revivait quelque chose de ce temps où les Alberti, des banquiers, étaient beaux comme les dieux grecs ; où l’industriel était artiste ; l’artiste poète et le brigand bandit, Au lieu du Bovary nobliot des romans modernes, Sigismond Malatesta semblait le pâle seigneur peint par Raphaël et que l’on dit être César Borgia, autant toutefois que le hideux habillement contemporain permet de rappeler un patricien à toque et pourpoint de velours tailladé. Maigre sans être osseux, le nez long aux narines fermées, il portait sur son front droit l’inquiétante blancheur de la perversité. À le voir, on sentait qu’en aucune situation il ne pouvait pas plus être ridicule qu’un tigre.

Dès vingt ans, laissant aux hiboux et aux ronces son château de Rimini, il se fit construire, rue Barbet de Jouy, non un hôtel mais un palais, d’après un plan inédit de Leo Batista Alberti. Il meubla cet édifice des objets d’arts de ses ancêtres et se trouva réduit au septième d’un million par an, qu’il consacra à cette existence idiote qu’on appelle, sans doute, par antiphrase, la haute vie. Il fut membre de cercle et sportman, il ravala son grand nom à des prouesses de jockey, à des hauts faits de maquignons ; il fut de ces vibrions dont l’horizon est borné par une selle qu’on devrait leur mettre en bât. Il eut des danseuses qui le tutoyèrent, des