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le vice suprême

comme des tons de Rubens ; des modelés troublants comme ceux des papiers bleus de Prudhon et des troussements de pensées semblables à des Rops parlés : sur le flamboiement de l’adolescence, il jeta l’huile obscène du plaisir physique, exalté dans une gloire d’intensité.

Leonora eut des heures de lassitude dégoûtée, sous ce picotis charnel, Rêner sa chair cela valait-il tant d’effort, quand la satisfaire délivrerait son esprit de cette ignoble et lassante hantise ?

— « Dois-je épouser Malatesta ? » dit-elle à Sarkis.

— « L’indépendance, » répondit-il, « est la grande chose de la vie, et socialement une femme, même princesse, n’est indépendante que veuve ou mariées. Un mari ne peut être pour vous qu’un émancipateur et le Malatesta peut justifier son nom. Voyez, si vous pouvez rester votre maître en devenant le sien. »

— « Je suis fille d’Hercule, » fit-elle subitement résolue.

— « Je vous accepte, » annonça-t-elle le lendemain au prince.

En attachant son voile, blanc linceul de sa virginité qui allait mourir, deux grosses larmes coulèrent de ses yeux qui ne pleuraient jamais.

— « Pourquoi ces pleurs, en allant à l’autel ? » demanda Sarkis.

Brusquement, elle prit les mains de son précepteur et le regardant bien en face, à travers l’humidité trouble de ses paupières :

— « Je puis vous le dire à vous, dont je suis la fille spirituelle. Ce n’est pas à l’autel que je vais ; je suis lâche, je vais… »

Elle dit un mot dont Sarkis resta pâle.

Au carillon du Campanile de Giotto, escortée de son tuteur et de ses trois professeurs qu’elle avait voulus pour premiers témoins, sans égard pour la foule des grands noms qui suivaient, elle entra à Notre-Dame des Fleurs, et un pli triste sillonna ses lèvres en passant